la vraie histoire de l'art,
courte mais essentielle.

art primitif

En ce temps là, les premiers artistes gribouillaient sur le sable ou les sols boueux. Ce que voyant les autres hominidés leur donnaient des baffes et les envoyaient chercher du bois. Parfois un artiste s'écriait : « Un auroch, je le tiens, cette fois je le tiens bien ! » Alarmés, les chasseurs accouraient les armes à la main et l'excitation aux tripes. Comme ces sauvages n'avaient jamais vu d'image, sinon leur figure dans l'eau ce qui leur foutait une trouille terrible, ils ne voyaient là que gribouillis. Pour se venger de leur déception, ils flanquaient une raclée mémorable au gribouilleur et l'envoyaient en corvée de chiottes et de patates.
Lentement, la culture fit son oeuvre, et petit à petit les sauvages parvinrent à reconnaître l'auroch dans le dessin de l'auroch. Ce prodige n'était pas sans les impressionner fortement, ils y voyaient magie, et du benêt d'artiste firent un sorcier.
Comme il n'y a aucune raison de penser que l'artiste primitif fut essentiellement différent de l'artiste contemporain, on ne doute pas que l'artiste d'alors accepta bien volontiers la flagornerie et tenta d'en tirer profit. On vit alors ces individus malingres et veules bomber leur torse étroit, réclamer de plus grosses parts de tarte aux pommes, et frotter leur zigounette chétive aux femelles du clan.
Ce qui ne dura guère, les gros mâles dominants prenant ombrage de l'outrecuidance de ces avortons, les occirent.

art pariétal

Les descendants de ces pionniers, rudement instruits des risques inhérents à leur art, se réfugièrent prudemment dans des grottes d'accès difficile ou sur le mont Bego pour s'adonner à leurs pulsions maniaques. Ils espéraient ainsi pouvoir attirer de façon plus discrète et moins risquée les femelles qu'ils convoitaient toujours nonobstant le peu d'atouts dont la nature les avait dotés.

art cuistre

Lentement encore, la culture fit son oeuvre, les gros mâles dominants découvrirent qu'on pouvait utiliser les femelles pour des satisfactions plus raffinées que le simple coït brutal. Ils firent donc appel aux artistes pour décorer leurs résidences et séduire leurs femelles, commandant images à leur gloire ou images aptes à faire entendre aux dites femelles ce qu'ils attendaient d'elles. Exit donc l'art pariétal, l'humanité entrait dans l' ère de l'art cuistre.

Comme il fallait bien que les artistes aient quelques notions de ce qu'ils devaient illustrer, une certaine gloire limitée leur fût accordée, et l'usage de femelles subalternes concédé. Les artistes n'étaient plus systématiquement occis, sauf pour fautes lourdes.
Liste non exhaustives de fautes lourdes en art à cette époque :
- l'artiste sortait du cadre esthétique admis. Les gros mâles dominants étaient encore assez rustres, quoi qu'on en dise dans la littérature officielle, et n'aimaient en gros que ce qu'ils avaient vu chez leurs papa. Ce qui explique que l'art avançait peu. Par coquetterie ils acceptaient parfois quelques nouveautés, ce qui explique que l'art avançait quand même un peu, mais lentement.
- l'artiste courtisait une femelle non secondaire, ou avait courtisé une femelle jusqu'ici considérée comme secondaire, mais pour qui le désir du prince (c'était le terme choisi alors pour qualifier les gros mâles dominants) s'était subitement accru.
- le prince bourré ou pas, décidait de se faire un petit plaisir : occire un artiste.

À cette époque, bien des artistes ne durent leur survie qu'à de bonnes antennes et une adaptation certaine à la fuite.

art bourgeois

Longtemps après, Molière inventa le Bourgeois Gentilhomme : un gros con, pas encore Prince et naïf, pas sûr de lui.

L'artiste, instruit par toute une ère de statut de vil courtisan, ne tarda pas à comprendre le bénéfice qu'il pouvait retirer de la situation. Comme ses lointains ancêtres s'étaient faits passer pour sorciers, il endossa lui le costume flatteur de génie.

art contemporain

Cela ne dura pas. Flairant le flux monétaire, le Banquier, lui pas naïf du tout et rien moins que timide, à l'aise dans ses baskets de mâle dominant, prit l'affaire en main. Et rondement.
Il sélectionna les artistes à l'échine la plus souple, les plus veules et les plus sensibles à la flagornerie et les nomma. Il leur fit enseigner la danse du ventre, leur mit une plume au cul pour faire plus joli, et les lança sur le MARCHÉ. Au fait de la science génétique et des techniques de croisement, il toléra l'accession à la renommée des artistes femelles qui frappaient à la porte depuis quelque temps.

André Malraux, esprit novateur et de culture de son temps, créa pour le Général de Gaule le Ministère de la Culture. Il mit dedans le Château de Versailles et le Théâtre Populaire, et fit construire sur tout le territoire des Maisons de la Culture.
Jack Lang, arrivé dans les bagages de François Mitterand, très chic et désireux de briller aux yeux des Princes de la Phynance, ajouta dans le Ministère de la Culture la mode, le jerk et l'industrie pharmaceutique, le design et Johni Haliday et le cirque Medrano, le zouk et les spaghetti bolognese, et les plumes au cul.

Nous en sommes là. Les Princes de la Phynance gèrent l'art avec chic, bon goût, désinvolture, esprit d'escalier et sens de la dérision dans un gant de velours sous une main de fer. Le Ministère de la Culture a étendu une myriade de poux qui engraissent petitement le long des flux d'argent subventionné.

Aujourd'hui on n'occit plus les artistes, sauf ceux qui ont le malheur d'exercer chez Staline, Mao ou autres hitleroïdes, on se contente de les laisser crever de faim. Partout, toujours, les avancées de la culture permettent que les artistes soient traités avec plus d'humanité, plus de douceur. L'art et les artistes sont reconnaissants à la culture.

art, no future ?

Ce dernier chapitre, c'est peut-être à toi de l'écrire, oh gentil lecteur ?

fal7i octobre 2006

licence art libre


correction : occire ne s'employe qu'aux temps composés. Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)
proposition : trucider


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